Innovation et productivité ne vont pas toujours de pair : quelles conséquences pour la croissance et les marchés d’actions ?

16/04/2018
Innovation et productivité ne vont pas toujours de pair : quelles conséquences pour la croissance et les marchés d’actions ?

Résumé

Les indicateurs officiels de mesure de la productivité déclinent depuis des décennies, ce qui ne manque pas de surprendre étant donné la rapidité du développement technologique. En fait, loin de stimuler la productivité, nombre de ces innovations sont sources de perturbations pour les économies et les marchés. Ce phénomène pourrait avoir d’immenses répercussions sur l’emploi et la productivité, et déclencher des bouleversements sociaux et politiques imprévisibles.

BIENVENUE À L’ÈRE DE LA QUATRIÈME RÉVOLUTION INDUSTRIELLE

Les avancées technologiques se développent à un rythme effréné qui s’accélère sans cesse. Grâce aux applications dont sont dotés nos téléphones portables, nous pouvons rechercher et trouver l’information dont nous avons besoin avec une facilité qui aurait été inconcevable il y a encore quelques années. La trace digitale que nous laissons sur internet permet aux entreprises d’exploiter de gigantesques quantités de données pour personnaliser les messages promotionnels qu’elles nous adressent. L’usage de voitures autonomes va sans nul doute se généraliser dans un avenir proche, tandis que l’apprentissage automatique permet déjà de prendre en charge des tâches qui étaient jusqu’ici réalisées par des spécialistes hautement qualifiés. Et il ne s’agit là que de quelques exemples. Demain, l’innovation dans la sphère numérique, notamment l’intelligence artificielle (IA), devrait influencer encore plus profondément une multitude de secteurs. La production d’énergie, la fabrication, la distribution, les services financiers, juridiques et la santé devraient connaître de profondes mutations.

De fait, par leur portée et leur envergure, ces évolutions technologiques ont été décrites comme une nouvelle révolution industrielle dont les contours pourraient bien d’ores et déjà s’esquisser sous nos yeux. La première révolution industrielle, qui a eu lieu entre la fin du XVIIIe et la moitié du XIXe siècle, a marqué l’apparition de la mécanisation des processus de production, de la machine à vapeur et du chemin de fer. La deuxième révolution industrielle, de la fin du XIXe siècle au début des années 1930, s’est distinguée par des avancées majeures dans l’utilisation de l'électricité et par l'invention du téléphone, de l’automobile, de la radio et des matières plastiques. La troisième révolution industrielle, de 1950 au début des années 2000, marque l’avènement successif des ordinateurs centraux, des ordinateurs personnels (PC), des téléphones portables et d’internet. Certains affirment que depuis le début de cette décennie, nous sommes entrés de plain-pied dans la quatrième révolution industrielle, caractérisée par la fusion des mondes physique, numérique et biologique.

Klaus Schwab, fondateur du Forum économique mondial de Davos, fut l’un des premiers à défendre cette théorie. Il a qualifié les bouleversements suscités par la quatrième révolution industrielle de « si profonds [...] qu’à aucun moment de son histoire, l’humanité n’avait été confrontée à autant de promesses et de dangers potentiels. »

OÙ EST PASSÉE LA PRODUCTIVITÉ ?

Le concept de productivité reflète directement les promesses et les dangers de la quatrième révolution industrielle. Autrement dit, si les innovations technologiques d’aujourd’hui peuvent générer d’importants gains de productivité, c’est-à-dire augmenter le volume de production par unité de ressource consommée (souvent exprimé en termes de production par heure travaillée), nombre de ces technologies pourraient également perturber les processus opérationnels actuels des entreprises. Ce phénomène pourrait avoir des répercussions majeures sur le marché de l’emploi et déclencher des transformations sociales et politiques d’une ampleur imprévisible. Lorsque nous envisageons la productivité sous un angle traditionnel, nous nous attendons à ce qu’elle tire profit des grandes avancées technologiques de ces dernières années. Pourtant, l’analyse des statistiques officielles de la productivité, tant au sein des marchés industrialisés que dans le monde émergent, semble prouver le contraire. Il pourrait même être tentant d’invoquer le célèbre paradoxe de Robert Solow, qui déclarait en 1987 : « Vous pouvez voir l'ère informatique partout, sauf dans les statistiques de la productivité. »

D’après Robert Gordon, l’un des pionniers de la recherche dans ce domaine, la productivité du travail a progressé à un rythme d’environ 2,33% par an entre la fin du XIXe siècle et le début des années 1970. À partir de ce moment, ce taux a chuté à environ 1,33% par an, à quelques exceptions près autour de l’an 2000. Les données communiquées par The Conference Board confirment ces conclusions (voir graphique A/). Dans les pays développés, la croissance de la productivité du travail est orientée à la baisse depuis de nombreuses années, et ce mouvement avait déjà débuté bien avant la crise financière mondiale de 2007/2008. Même en Chine, le plus grand pays émergent du monde, la croissance de la productivité du travail a touché un plafond en 2006.

A : LA PRODUCTIVITÉ DU TRAVAIL EST ORIENTÉE À LA BAISSE DEPUIS DES ANNÉES

LA PRODUCTIVITÉ DU TRAVAIL EST ORIENTÉE À LA BAISSE DEPUIS DES ANNÉES

Source : Allianz Global Investors Global Economics & Strategy, The Conference Board. Données de 2017

Comment pouvons-nous expliquer cette apparente déconnexion entre l’innovation technologique et les chiffres de la productivité ? Où est donc passée toute cette productivité ? Malheureusement, comme cela se vérifie souvent dans le domaine économique, il n’y a pas de vérité absolue. Les optimistes répondraient que nous n’en sommes encore qu’aux prémices du cycle de cette révolution technologique qui se déroulera en plusieurs phases. Dans la phase actuelle d’initiation, marquée par l’introduction de ces technologies innovantes, les chiffres cumulés de la productivité restent globalement modestes. Toutefois, une fois le cycle entré en phase de déploiement, l’usage de ces nouvelles technologies va se généraliser. Selon les défenseurs de cette thèse, dès que les travailleurs auront appris à utiliser au mieux et à appliquer ces technologies, la productivité devrait remonter. Autrement dit, les optimistes estiment que la hausse des ratios de productivité dans l’ensemble de l’économie n’est pas hypothétique, mais seulement une question de temps. Les plus grands contributeurs à la croissance de la productivité ne devraient pas être les secteurs technologiques eux-mêmes, mais ceux qui feront un usage intensif des technologies numériques. Au travers de ce prisme, la question soulevée par les éventuels mauvais chiffres de la productivité est sans importance, comme l’affirment différentes études.

Robert Gordon1 et d’autres spécialistes partagent une vision beaucoup plus pessimiste des perspectives d’évolution de la productivité à long terme. De leur point de vue, ce déclin structurel que nous observons dans la croissance de la productivité s’explique par l’absence de « nouvelle technologie polyvalente ». Exemple : l’électricité, avancée technologique majeure de la deuxième révolution industrielle, est une technologie incontournable, de celles qui ont radicalement bouleversé les processus de production quel que soit le secteur, et qui ont fortement influencé le comportement des consommateurs. Pour se convaincre de notre dépendance à l’électricité, il suffit d’observer les conséquences des coupures de courant : quelques heures seulement après l’extinction des lumières, le temps semble se figer. Selon les partisans de cette thèse, les innovations technologiques actuelles ont en revanche un impact potentiel moins important. En outre, Robert Gordon souligne que la tendance à la baisse du niveau d’éducation, phénomène qui ne concerne pas uniquement les États-Unis, serait une cause supplémentaire de la faible progression de la productivité.

Un autre argument de nature très différente invoque les mesures de politique monétaire pour expliquer le ralentissement tendanciel de la productivité. Selon cette thèse, les politiques monétaires accommodantes engagées par les banques centrales auraient duré trop longtemps. Exerçant une pression à la baisse sur les coûts du capital, elles favoriseraient une mauvaise allocation des ressources financières. La baisse artificielle du seuil d’entrée pour investir accroît la probabilité que les capitaux soient consacrés à des placements qui ne stimulent que faiblement ou pas du tout la croissance de la productivité. Le surinvestissement dans le secteur immobilier pendant la première décennie du millénaire, immédiatement après l’éclatement de la bulle internet en 2000, en est une bonne illustration. La faiblesse des taux d’intérêt a attiré les capitaux vers le marché immobilier, un secteur qui n’est traditionnellement pas à l’origine de gains de productivité importants. Dans le même ordre d’idée, certains font valoir que la politique monétaire aux États-Unis et en Europe est asymétrique depuis le milieu des années 1980 : accommodante dans les contextes de crise économique réels ou anticipés, mais pas suffisamment restrictive durant les périodes d’expansion. Cette politique monétaire asymétrique a par conséquent contribué au ralentissement séculaire de la croissance de la productivité. La solution à long terme pour les banques centrales consisterait à normaliser leur politique monétaire et à abandonner leur approche ultraaccommodante.

Laquelle des deux thèses, l’optimiste ou la pessimiste, explique ce déclin de la productivité alors que les progrès technologiques s’accélèrent ? La réponse n’est toujours pas tranchée. Les faits sont pourtant clairs : la dernière vague de progrès technique n’a pas encore renforcé l’efficience de l’économie.

It also seems that today’s technological revolution is likely to exacerbate labour-market trends that have been in place since the 1980s, as a consequence of the move towards automation and globalisation:

Sur le segment à revenu modéré de la population active, la demande d’emplois routiniers a chuté, en particulier pour les postes d’employés de bureau et d’ouvriers (voir graphique B/). En revanche, la proportion de main d'oeuvre à haut revenu a progressé dans toutes les principales économies développées, nourrie par une demande accrue d’emplois fortement qualifiés. Il est toutefois intéressant de noter que la part des emplois à revenu faible dans le total de la population active est restée stable, voire croissante, même si elle s’accompagne d’une baisse des salaires réels.

"LA DERNIÈRE VAGUE DE PROGRÈS TECHNIQUE N’A PAS ENCORE RENFORCÉ L’EFFICIENCE DE L’ÉCONOMIE."

B : CONTRACTION DE LA DEMANDE D’EMPLOIS ROUTINIERS

CONTRACTION DE LA DEMANDE D’EMPLOIS ROUTINIERS

Source : C. B. Frey, T. Berger, C. Chen (2017) : Political Machinery: Automation Anxiety and the 2016 US Presidential Election. (Les rouages de la politique : l’anxiété engendrée par l'automatisation et l’élection présidentielle américaine de 2016.) Données de 2015. Parmi les emplois routiniers figurent notamment les postes d’opérateurs de machine, d’assembleurs, d’agents comptables, d’assistants juridiques et de secrétaires.

Cette tendance devrait perdurer, les avancées technologiques rendant les emplois routiniers et manuels de plus en plus obsolètes, tandis que les postes très qualifiés sont de plus en plus difficiles à pourvoir. Considérons, par exemple, les expertises les plus demandées dans les environnements de travail axés sur la technologie :

  • les compétences informatiques et analytiques poussées (par ex. les spécialistes des données) ;
  • les compétences comportementales telles que la créativité et l’aptitude à communiquer (par ex. les chargés de relations publiques) ;
  • la capacité à percevoir des processus complexes et à accomplir des tâches de manipulation délicates (par ex. les médecins).

Comparez ces qualifications avec celles du chauffeur de taxi ou du routier dont les emplois pourraient bien à terme être engloutis par les véhicules autonomes. Si des analyses très diverses ont été publiées pour évaluer les répercussions des nouvelles technologies sur l’emploi (avec des estimations variant de moins de 10% à près de 50%), la plupart des études semblent se rejoindre sur le fait qu’il faut s’attendre à un accroissement de la demande de main d’oeuvre fortement qualifiée très bien rémunérée d’une part, et à une chute marquée de l’emploi routinier peu qualifié, d’autre part.

Cette transformation de la répartition des emplois renforce le risque d’aggravation des inégalités salariales, une question fondamentale de notre point de vue.

Depuis les années 1980, et en particulier depuis la fin de la crise financière mondiale, la hausse des inégalités alimente la montée en puissance des partis et des leaders populistes en Europe et aux États-Unis. Nous sommes convaincus que si ces tendances populistes se muaient en véritables politiques, des effets négatifs sur l’économie et les marchés de plus en plus sévères pourraient être observés, comme nous l’avons expliqué en détail dans un article intitulé « La dimension économique du populisme » (2017). Cette tendance est problématique dans la mesure où le nationalisme économique prôné par les populistes nuira à l’intégration des économies, aux échanges internationaux et aux déplacements migratoires, ce qui est généralement un frein à la croissance de la productivité.

Le libre-échange stimule au contraire la productivité, car il contribue à une meilleure division du travail sur le plan international en encourageant les transferts de savoir-faire.

COMMENT LA PRODUCTIVITÉ INFLUE-T-ELLE SUR LES MARCHÉS ?

Même si les progrès technologiques actuels devaient engendrer une croissance plus soutenue de la productivité, leurs effets disrupteurs sur le marché du travail pourraient déclencher une dynamique politique pour ainsi dire contreproductive.

Toutefois, si les innovations technologiques venaient à rehausser le niveau de la productivité, la croissance économique remonterait et l’inflation diminuerait. Dans ce scénario idéal, les actions devraient en théorie tirer profit des innovations technologiques à long terme. Pourtant, cette théorie ne se confirme pas dans la pratique.

Notre analyse, illustrée par le graphique C/, montre que les périodes de rendements attrayants à long terme sur les marchés d’actions ont parfois coïncidé, mais pas systématiquement, avec l’apparition d’innovations technologiques majeures.2 Il apparaît sur cet exemple qu’à certaines occasions, un investisseur qui serait entré sur le marché au bon moment aurait bénéficié sur le long terme de performances attrayantes sur les actions. Par exemple : dans les années 1950, lorsque les ordinateurs centraux et l’énergie nucléaire ont fait leur apparition ; au milieu des années 1970, peu après la mise au point des ordinateurs personnels ; au début des années 1990, après l’introduction du réseau internet mondial (« World Wide Web ») et d’une nouvelle génération de téléphones portables.

Notre étude a révélé a contrario que certaines grandes innovations technologiques avaient engendré des performances à long terme inférieures à la moyenne. Par exemple : l’invention du téléphone (1876) ; le déploiement du réseau électrique dans les villes occidentales (1882) ; l’invention de l’automobile (1886), de la radio (1920) et du plastique (début des années 1930). Dans le même ordre d’idée, l’invention du moteur à vapeur (1781), l’introduction du chemin de fer (1825) et l’émergence des procédés modernes de fabrication de l’acier (années 1850) ont offert des fenêtres d’opportunités étroites aux investisseurs souhaitant profiter des performances à long terme des marchés d’actions. Ceux qui sont entrés un peu tardivement sur le marché ont alors dû se contenter de performances réelles faibles voire négatives, comme les investisseurs sur le segment des technologies à la fin des années 1990, qui l’ont appris à leurs dépens. En dépit des preuves accumulées, l’absence de lien systématique entre l’émergence d’innovations technologiques majeures et les performances à long terme sur les marchés d’actions peut encore surprendre. Comment expliquer un tel phénomène ?

En premier lieu, il convient de rappeler que les concepts d’innovation et de productivité ne sont pas superposables. Toute grande technologie peut certes engendrer des gains de productivité, mais un important décalage dans le temps peut être observé. C’est ce que Robert Solow a constaté lorsqu’il a prononcé sa célèbre phrase dans les années 1980, juste au moment où l’usage des ordinateurs personnels commençait à se répandre.

En premier lieu, il convient de rappeler que les concepts d’innovation et de productivité ne sont pas superposables. Toute grande technologie peut certes engendrer des gains de productivité, mais un important décalage dans le temps peut être observé. C’est ce que Robert Solow a constaté lorsqu’il a prononcé sa célèbre phrase dans les années 1980, juste au moment où l’usage des ordinateurs personnels commençait à se répandre.

En deuxième lieu, d’autres facteurs négatifs peuvent fortement contrebalancer les effets positifs des nouvelles technologies sur la productivité. Par exemple, il a fallu attendre le début du XXe siècle pour ressentir les effets des grandes innovations de la deuxième révolution industrielle qui ont marqué la fin du XIXe siècle, et commencer à observer une hausse sensible de la productivité de l’économie mondiale. Plusieurs facteurs expliquent ce décalage, caractéristique de la période souvent baptisée la « Longue dépression » (1873-1896), marquée par une croissance économique relativement modeste. Dans les années 1860 et au début des années 1870, un phénomène de surinvestissement a freiné la croissance de la productivité et de l’économie. Les dettes se sont accumulées dans le secteur privé et, en 1873, les États-Unis ont adopté l’étalon-or, ce qui impliquait de fait un durcissement des conditions monétaires. Deux événements majeurs, la Première et la Deuxième Guerre mondiale, dans les années 1910 et 1940 respectivement, ont en outre entravé la croissance de la productivité.

En troisième lieu, les valorisations sont un facteur qui compte, du point de vu de l’investissement notamment. Le ratio prix/ bénéfices ajusté des facteurs cycliques (CAPE) de l’indice S&P 500 a touché des niveaux particulièrement élevés à de nombreuses reprises au cours des précédentes périodes d’innovation technique : à l’aube du XXe siècle, après la longue succession de découvertes technologiques de la fin du XIXe siècle ; à la fin des Années folles, qui ont vu se succéder un flot ahurissant d’avancées technologiques (en particulier la radio) ; pendant les années euphoriques du milieu des années 1960, particulièrement porteuses pour les valeurs technologiques ; à la fin des années 1990 et au début des années 2000, époque marquée par la formation et l’éclatement de la bulle internet et de la bulle technologique (valeurs des secteurs de la technologie, des médias et des télécommunications) ; au milieu des années 2000, période qui a culminé avec l’éclatement de la crise financière mondiale en 2007.

"TOUTE GRANDE TECHNOLOGIE PEUT CERTES ENGENDRER DES GAINS DE PRODUCTIVITÉ, MAIS UN IMPORTANT DÉCALAGE DANS LE TEMPS PEUT ÊTRE OBSERVÉ."

LES GRANDES INNOVATIONS N’ONT PAS SYSTÉMATIQUEMENT ENTRAÎNÉ UNE AMÉLIORATION DES PERFORMANCES DES ACTIONS

LES GRANDES INNOVATIONS N’ONT PAS SYSTÉMATIQUEMENT ENTRAÎNÉ UNE AMÉLIORATION DES PERFORMANCES DES ACTIONS

Source3 : Allianz Global Investors, Bloomberg, Wikipedia, Réserve fédérale de St Louis. Òscar Jordà, Moritz Schularick et Alan M. Taylor (2017). Macrofinancial History and the New Business Cycle Facts. (Histoire de l’environnement macro-financier et faits relatifs au nouveau cycle économique.) NBER Macroeconomics Annual 2016, volume 31, publié sous la direction de Martin Eichenbaum et Jonathan A. Parker. Chicago : Presse de l’université de Chicago. Macrohistory Lab, Université de Bonn ; S.Nairn (2002), Engines that Move Markets (Ces moteurs qui entraînent les marchés).
Légende : données à fin d’années, sauf en 2017 (au 21/09/2017). Toutes les autres données sont arrêtées à septembre 2017. Performances mondiales : moyenne des performances générées en Australie, Belgique, Canada, Suisse, Allemagne, Espagne, Finlande, France, Royaume-Uni, Italie, Japon, Pays-Bas, Portugal, Suède et États-Unis. Principales innovations (année réelle ou estimée de première exploitation commerciale) : moteur à vapeur (1775), chemin de fer (1812), technologies modernes de fabrication d’acier (1855), téléphonie (1876), éclairage électrique (1879), automobile (1886), avion (1903), radio (1920), plastique (début des années 1930), ordinateurs centraux (années 1950), énergie nucléaire (1954), ordinateurs portables (1974), téléphone portable (1991), internet (1991), IA (2010 environ).
Les icônes en forme d’éclair symbolisent une crise financière et autres chocs économiques majeurs : Royaume-Uni, États-Unis 1796/97, États-Unis 1819, Royaume-Uni 1825, États-Unis 1837, Royaume-Uni 1847, États-Unis 1857, États-Unis 1873 et « Longue dépression » 1873-1896, Paris 1882, Norvège 1899, États-Unis 1901, États-Unis 1907, États-Unis 1929 et « Grande dépression », États-Unis 1937/38, Japon 1989, Scandinavie ~ 1990, Asie/ Russie 1997/98, bulle internet mondiale 2000, crise financière mondiale 2007.


Pendant toutes ces périodes, les titres ont donc flirté avec des niveaux élevés de valorisation simplement parce que les investisseurs étaient prêts à surpayer l’opportunité de profiter des perspectives de croissance. Il en a résulté des performances de marché médiocres, souvent (mais pas systématiquement) encore détériorées par les chocs de marché ou les crises financières qui ont éclaté dans la foulée, en 1901, 1929 et 2000 notamment.

Il faut bien noter qu’aujourd’hui, le ratio prix/bénéfices du S&P 500 évolue à des niveaux record, à presque deux fois sa moyenne de long terme, renouant avec des valeurs observées en 1929, ce qui indique que les performances globales des actions américaines devraient se situer en deçà de leur moyenne de long terme. Le succès des grandes sociétés innovatrices du secteur technologique, et notamment des FANG (Facebook, Amazon, Netflix et Google), explique dans une large mesure l’euphorie récemment observée sur les marchés d’actions. En outre, nos travaux ont mis en évidence plusieurs périodes, dans les années 1940 et 1980 notamment, qui, bien que n’ayant connu aucune percée technologique majeure, se sont distinguées par de solides performances des marchés d’actions, les investisseurs achetant dans la baisse (les adeptes des stratégies « contrarian ») ayant alors pu tirer parti de la faiblesse des valorisations.

Si les avancées technologiques ne constituent pas intrinsèquement une source systématique de performance sur le marché des actions, les investisseurs peuvent toutefois mettre à profit l’innovation sur un plan plus global. Nos analyses4 (voir graphique D/) montrent que les secteurs disruptifs porteurs d’avancées technologiques tendent à surperformer le reste du marché pendant les trois, cinq, dix et même vingt années qui suivent l’émergence de l’innovation. Ces résultats laissent clairement apparaître l'hétérogénéité des parcours d’un secteur, et même d’un sous-secteur, à l’autre : notre étude a de fait mis en évidence une grande diversité de situations. Par exemple : après la conception du premier ordinateur personnel au milieu des années 1970, les titres des éditeurs de logiciels ont de très loin surpassé le marché, contrairement aux fabricants de matériel informatique ; de la même manière, les actions du secteur informatique se sont bien comportées lorsqu’internet et la téléphonie mobile sont entrés sur le marché en 1991, tandis que les valeurs des télécommunications n’ont que très brièvement surperformé, durant les années de la bulle TMT notamment.

D : PERFORMANCES DES ACTIONS AMÉRICAINES DES SECTEURS DISRUPTIFS DANS LES ANNÉES QUI SUIVENT L’ÉMERGENCE D’UNE INNOVATION MAJEURE

PERFORMANCES DES ACTIONS AMÉRICAINES DES SECTEURS DISRUPTIFS DANS LES ANNÉES QUI SUIVENT L’ÉMERGENCE
D’UNE INNOVATION MAJEURE

Source : AllianzGI, Fama, Cowles, Datastream. Données au mois de décembre 2017.
Légende : Le graphique présente la médiane, la moyenne, le montant maximal et minimal des rendements excédentaires nominaux produits par les secteurs porteurs d’innovations technologiques majeures par rapport au reste du marché américain des actions, un, trois, cinq, dix et vingt ans après l’émergence d’une avancée technologique de grande ampleur. Nous avons au total analysé 13 innovations technologiques apparues depuis la fin du XIXe siècle. Données au mois de décembre 2017.3


En outre, la surperformance que nous avons identifiée au cours de notre étude ne s’est jamais manifestée de manière linéaire. En particulier, dans les premières années qui suivaient l’apparition d'une innovation, les investisseurs ont souvent manifesté des attentes excessives vis-à-vis de la croissance des bénéfices.

Nous pouvons toutefois estimer, si tant est que le passé soit un bon indicateur du futur, que les secteurs et les entreprises dont l’activité est liée à certaines innovations techniques de pointe, dans le domaine de l’intelligence artificielle notamment, gardent en moyenne de bonnes perspectives de surperformance, à condition que les cours restent raisonnables. Nous pensons notamment aux actions liées aux infrastructures d’IA (univers du big data, internet des objets et activité de cloud), aux applications d’IA (applications robotique et de deep learning) ainsi qu’aux entreprises qui intègrent les technologies d’IA (secteurs de la santé, des transports et de l’automobile, pour n’en nommer que quelques-uns). Certes, les valeurs technologiques américaines se négocient actuellement à un PER moyen de 30 environ et, sur cette base, elles peuvent déjà ne plus sembler bon marché, mais elles ne sont pas non plus excessivement onéreuses comparées à la moyenne historique de leur cours.

Nous voulons également souligner un autre phénomène essentiel pour les marchés : la vitesse à laquelle les mutations actuelles prennent forme. Ce facteur est critique pour les investisseurs. Comme l’indique le graphique E/, le cycle des innovations raccourcit : alors qu’une centaine d’années ont été nécessaires pour que le chemin de fer équipe la moitié des pays dans le monde, il a suffi de dix années pour que le même nombre de nations adopte internet. Compte tenu de la rapidité de la propagation de ces mutations, les investisseurs disposent de moins en moins de temps pour évaluer les répercussions de ces innovations et pour identifier les secteurs gagnants et les entreprises particulièrement intéressantes dans ces secteurs. Les facteurs de disruption, version moderne du concept de « destruction créatrice » popularisé par Joseph Schumpeter, semblent de plus en plus puissants. Ces évolutions renforcent clairement l’argumentaire en faveur de la gestion active.

Seul le temps pourra nous dire si les innovations technologiques contribueront à accroître structurellement la productivité de l’économie mondiale. Le progrès représente quoi qu’il en soit un enjeu essentiel pour les investisseurs à qui nous recommandons d’identifier de manière active les gagnants de demain, de ne pas surévaluer le potentiel de croissance des entreprises et, surtout, de se montrer patients.



E : LES INNOVATIONS TECHNOLOGIQUES DE POINTE SONT ADOPTÉES RAPIDEMENT

LES INNOVATIONS TECHNOLOGIQUES DE POINTE SONT ADOPTÉES RAPIDEMENT

Source : D. Comin et B. Hobijn (2010) : An Exploration of Technology Diffusion (Analyse de la diffusion des technologies), 2010.
Légende : L’axe des ordonnées (y) met en évidence le nombre d’années écoulées avant l’adoption de la nouvelle technologie par 50% de l’ensemble des pays.


Innovation et productivité :
Les réponses en un coup d’oeil

Innovation et productivité :
Les réponses en un coup d’oeil





Adrian Jones Stefan Hofrichter,
Responsable de l'analyse économique et stratégique,
Allianz Global Investors

 




1) Cf. Robert Gordon, Rise and Fall of American Growth: The U.S. Standard of Living since the Civil War. (Ascension et chute de la croissance américaine : les niveaux de vie depuis la Guerre de Sécession.)
2) Nous avons examiné les performances réelles des actions britanniques depuis la fin du XVIIIe siècle sur une période de 10 années glissantes, ainsi que la moyenne simple des performances de 15 marchés mondiaux, entre 1870 et 2017, sur la même période glissante. Nous avons sélectionné le Royaume-Uni car ce pays est resté une superpuissance qui a dominé l’économie jusqu’à la Première Guerre mondiale.
3) La performance passée ne constitue pas un indicateur fiable de la performance future.
4) Nous avons analysé les performances des secteurs américains à l’origine d’innovations technologiques majeures depuis la fin du XIXe siècle : téléphone, électricité, automobile, chaînes d’assemblage, aviation, radio, plastique, télévision, ordinateurs centraux et personnels, téléphonie mobile, réseau internet et intelligence artificielle. Un remerciement particulier à ma collègue Katharina Sänger, qui a produit ces chiffres.

Bibliographie et données utilisées :
Allianz Global Investors (2017) : The Economics of Populism (La dimension économique du populisme)
D. Comin et B. Hobijn (2010) : An Exploration of Technology Diffusion (Analyse de la diffusion des technologies)
The Conference Board (2014) : Prioritizing Productivity (Priorité à la productivité)
The Conference Board (2016) : Navigating the Digital Economy (Naviguer dans les eaux de l’économie numérique)
Robert Gordon (2012) : Is US Economic Growth Over? Faltering Innovation Confronts the Six Headwinds (La croissance américaine est-elle terminée ? L'innovation déclinante rencontre les six vents contraires)
E. Brynjolfsson, A. McAfee (2016) : The Second Machine Age: Work, Progress, and Prosperity in a Time of Brilliant Technologies (Le deuxième âge de la machine : travail et prospérité à l’heure de la révolution technologique)
C. B. Frey, T. Berger, C. Chen (2017) : Political Machinery: Automation Anxiety and the 2016 US Presidential Election (Les rouages de la politique : l’anxiété engendrée par l'automatisation et l’élection présidentielle américaine de 2016)
C. B. Frey, & M. Osborne (2017) : The Future of Employment (L’avenir de l’emploi)
Òscar Jordà, Moritz Schularick, et Alan M. Taylor (2017) : Macrofinancial History and the New Business Cycle Facts (Histoire de l’environnement macro-financier et faits relatifs au nouveau cycle économique), publié dans NBER Macroeconomics Annual 2016, volume 31, sous la direction de Martin Eichenbaum et Jonathan A. Parker (Chicago : Presse de l’université de Chicago. Macrohistory Lab, Université de Bonn)
S. Nairn (2002) : Engines that Move Markets (Ces moteurs qui entraînent les marchés)
Base de données sur la productivité de The Conference Board
Données de l’institut Cowles, Yale School of Management : indices des actions ordinaires
Fama/Bibliothèque de données française


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Interview avec Andreas Utermann

07/09/2018
Interview avec Andreas Utermann

Résumé

Andreas Utermann, CEO et Global CIO, Allianz Global Investors, discute avec Kerstin Keller, Responsable marketing institutionnel et rédacteur en chef d‘Update magazine, Allianz Global Investors

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