Résumé
Les indicateurs officiels de mesure de la productivité déclinent depuis des décennies, ce qui ne manque pas de surprendre étant donné la rapidité du développement technologique. En fait, loin de stimuler la productivité, nombre de ces innovations sont sources de perturbations pour les économies et les marchés. Ce phénomène pourrait avoir d’immenses répercussions sur l’emploi et la productivité, et déclencher des bouleversements sociaux et politiques imprévisibles.
1 BIENVENUE À L’ÈRE DE LA QUATRIÈME RÉVOLUTION INDUSTRIELLE
Les avancées technologiques se développent à un rythme effréné
qui s’accélère sans cesse. Grâce aux applications dont sont dotés
nos téléphones portables, nous pouvons rechercher et trouver
l’information dont nous avons besoin avec une facilité qui aurait
été inconcevable il y a encore quelques années. La trace digitale
que nous laissons sur internet permet aux entreprises d’exploiter
de gigantesques quantités de données pour personnaliser les
messages promotionnels qu’elles nous adressent. L’usage de
voitures autonomes va sans nul doute se généraliser dans un
avenir proche, tandis que l’apprentissage automatique permet
déjà de prendre en charge des tâches qui étaient jusqu’ici
réalisées par des spécialistes hautement qualifiés. Et il ne s’agit là
que de quelques exemples. Demain, l’innovation dans la sphère
numérique, notamment l’intelligence artificielle (IA), devrait
influencer encore plus profondément une multitude de secteurs.
La production d’énergie, la fabrication, la distribution, les services
financiers, juridiques et la santé devraient connaître de profondes
mutations.
De fait, par leur portée et leur envergure, ces évolutions
technologiques ont été décrites comme une nouvelle révolution
industrielle dont les contours pourraient bien d’ores et déjà
s’esquisser sous nos yeux. La première révolution industrielle,
qui a eu lieu entre la fin du XVIIIe et la moitié du XIXe siècle, a
marqué l’apparition de la mécanisation des processus de
production, de la machine à vapeur et du chemin de fer. La
deuxième révolution industrielle, de la fin du XIXe siècle au début
des années 1930, s’est distinguée par des avancées majeures
dans l’utilisation de l'électricité et par l'invention du téléphone, de
l’automobile, de la radio et des matières plastiques. La troisième
révolution industrielle, de 1950 au début des années 2000,
marque l’avènement successif des ordinateurs centraux, des
ordinateurs personnels (PC), des téléphones portables et
d’internet. Certains affirment que depuis le début de cette
décennie, nous sommes entrés de plain-pied dans la quatrième
révolution industrielle, caractérisée par la fusion des mondes
physique, numérique et biologique.
Klaus Schwab, fondateur du Forum économique mondial de
Davos, fut l’un des premiers à défendre cette théorie. Il a qualifié
les bouleversements suscités par la quatrième révolution
industrielle de « si profonds [...] qu’à aucun moment de son
histoire, l’humanité n’avait été confrontée à autant de promesses
et de dangers potentiels. »
2 OÙ EST PASSÉE LA PRODUCTIVITÉ ?
Le concept de productivité reflète directement les promesses et
les dangers de la quatrième révolution industrielle. Autrement dit,
si les innovations technologiques d’aujourd’hui peuvent générer
d’importants gains de productivité, c’est-à-dire augmenter le
volume de production par unité de ressource consommée (souvent
exprimé en termes de production par heure travaillée), nombre de
ces technologies pourraient également perturber les processus
opérationnels actuels des entreprises. Ce phénomène pourrait
avoir des répercussions majeures sur le marché de l’emploi et
déclencher des transformations sociales et politiques d’une ampleur
imprévisible. Lorsque nous envisageons la productivité sous un
angle traditionnel, nous nous attendons à ce qu’elle tire profit des
grandes avancées technologiques de ces dernières années. Pourtant,
l’analyse des statistiques officielles de la productivité, tant au sein
des marchés industrialisés que dans le monde émergent, semble
prouver le contraire. Il pourrait même être tentant d’invoquer le
célèbre paradoxe de Robert Solow, qui déclarait en 1987 : « Vous
pouvez voir l'ère informatique partout, sauf dans les statistiques de
la productivité. »
D’après Robert Gordon, l’un des pionniers de la recherche dans ce
domaine, la productivité du travail a progressé à un rythme d’environ
2,33% par an entre la fin du XIXe siècle et le début des années 1970.
À partir de ce moment, ce taux a chuté à environ 1,33% par an,
à quelques exceptions près autour de l’an 2000. Les données
communiquées par The Conference Board confirment ces
conclusions (voir graphique A/). Dans les pays développés, la
croissance de la productivité du travail est orientée à la baisse depuis
de nombreuses années, et ce mouvement avait déjà débuté bien
avant la crise financière mondiale de 2007/2008. Même en Chine, le
plus grand pays émergent du monde, la croissance de la productivité
du travail a touché un plafond en 2006.
A : LA PRODUCTIVITÉ DU TRAVAIL EST ORIENTÉE À LA BAISSE DEPUIS DES ANNÉES
Source : Allianz Global Investors Global Economics & Strategy, The Conference Board. Données de 2017
Comment pouvons-nous expliquer cette apparente déconnexion
entre l’innovation technologique et les chiffres de la productivité ?
Où est donc passée toute cette productivité ? Malheureusement,
comme cela se vérifie souvent dans le domaine économique, il
n’y a pas de vérité absolue. Les optimistes répondraient que nous
n’en sommes encore qu’aux prémices du cycle de cette révolution
technologique qui se déroulera en plusieurs phases. Dans la phase
actuelle d’initiation, marquée par l’introduction de ces technologies
innovantes, les chiffres cumulés de la productivité restent
globalement modestes. Toutefois, une fois le cycle entré en phase
de déploiement, l’usage de ces nouvelles technologies va se
généraliser. Selon les défenseurs de cette thèse, dès que les
travailleurs auront appris à utiliser au mieux et à appliquer ces
technologies, la productivité devrait remonter. Autrement dit, les
optimistes estiment que la hausse des ratios de productivité dans
l’ensemble de l’économie n’est pas hypothétique, mais seulement
une question de temps. Les plus grands contributeurs à la
croissance de la productivité ne devraient pas être les secteurs
technologiques eux-mêmes, mais ceux qui feront un usage
intensif des technologies numériques. Au travers de ce prisme,
la question soulevée par les éventuels mauvais chiffres de la
productivité est sans importance, comme l’affirment différentes
études.
Robert Gordon1 et d’autres spécialistes partagent une vision
beaucoup plus pessimiste des perspectives d’évolution de la
productivité à long terme. De leur point de vue, ce déclin structurel
que nous observons dans la croissance de la productivité s’explique
par l’absence de « nouvelle technologie polyvalente ». Exemple :
l’électricité, avancée technologique majeure de la deuxième
révolution industrielle, est une technologie incontournable, de
celles qui ont radicalement bouleversé les processus de production
quel que soit le secteur, et qui ont fortement influencé le
comportement des consommateurs. Pour se convaincre de
notre dépendance à l’électricité, il suffit d’observer les
conséquences des coupures de courant : quelques heures
seulement après l’extinction des lumières, le temps semble
se figer. Selon les partisans de cette thèse, les innovations
technologiques actuelles ont en revanche un impact potentiel
moins important. En outre, Robert Gordon souligne que la
tendance à la baisse du niveau d’éducation, phénomène qui
ne concerne pas uniquement les États-Unis, serait une cause
supplémentaire de la faible progression de la productivité.
Un autre argument de nature très différente invoque les
mesures de politique monétaire pour expliquer le ralentissement
tendanciel de la productivité. Selon cette thèse, les politiques
monétaires accommodantes engagées par les banques centrales
auraient duré trop longtemps. Exerçant une pression à la
baisse sur les coûts du capital, elles favoriseraient une mauvaise
allocation des ressources financières. La baisse artificielle du
seuil d’entrée pour investir accroît la probabilité que les capitaux
soient consacrés à des placements qui ne stimulent que
faiblement ou pas du tout la croissance de la productivité.
Le surinvestissement dans le secteur immobilier pendant la
première décennie du millénaire, immédiatement après
l’éclatement de la bulle internet en 2000, en est une bonne
illustration. La faiblesse des taux d’intérêt a attiré les capitaux vers
le marché immobilier, un secteur qui n’est traditionnellement pas
à l’origine de gains de productivité importants. Dans le même
ordre d’idée, certains font valoir que la politique monétaire aux
États-Unis et en Europe est asymétrique depuis le milieu des
années 1980 : accommodante dans les contextes de crise
économique réels ou anticipés, mais pas suffisamment restrictive
durant les périodes d’expansion. Cette politique monétaire
asymétrique a par conséquent contribué au ralentissement
séculaire de la croissance de la productivité. La solution à long
terme pour les banques centrales consisterait à normaliser leur
politique monétaire et à abandonner leur approche ultraaccommodante.
Laquelle des deux thèses, l’optimiste ou la pessimiste, explique
ce déclin de la productivité alors que les progrès technologiques
s’accélèrent ? La réponse n’est toujours pas tranchée. Les faits
sont pourtant clairs : la dernière vague de progrès technique n’a
pas encore renforcé l’efficience de l’économie.
It also seems that today’s technological revolution is likely to
exacerbate labour-market trends that have been in place since
the 1980s, as a consequence of the move towards automation
and globalisation:
Sur le segment à revenu modéré de la population active, la demande
d’emplois routiniers a chuté, en particulier pour les postes d’employés
de bureau et d’ouvriers (voir graphique B/). En revanche, la
proportion de main d'oeuvre à haut revenu a progressé dans toutes
les principales économies développées, nourrie par une demande
accrue d’emplois fortement qualifiés. Il est toutefois intéressant de
noter que la part des emplois à revenu faible dans le total de la
population active est restée stable, voire croissante, même si elle
s’accompagne d’une baisse des salaires réels.
"LA DERNIÈRE VAGUE DE PROGRÈS TECHNIQUE
N’A PAS ENCORE RENFORCÉ L’EFFICIENCE DE L’ÉCONOMIE."
B : CONTRACTION DE LA DEMANDE D’EMPLOIS ROUTINIERS
Source : C. B. Frey, T. Berger, C. Chen (2017) : Political Machinery: Automation Anxiety and the 2016 US Presidential Election. (Les rouages de la politique : l’anxiété engendrée par l'automatisation et
l’élection présidentielle américaine de 2016.) Données de 2015. Parmi les emplois routiniers figurent notamment les postes d’opérateurs de machine, d’assembleurs, d’agents comptables, d’assistants
juridiques et de secrétaires.
Cette tendance devrait perdurer, les avancées technologiques rendant les emplois routiniers et manuels de plus en plus obsolètes, tandis que les postes très qualifiés sont de plus en plus difficiles à pourvoir. Considérons, par exemple, les expertises les plus demandées dans les environnements de travail axés sur la technologie :
- les compétences informatiques et analytiques poussées (par ex. les spécialistes des données) ;
- les compétences comportementales telles que la créativité et l’aptitude à communiquer (par ex. les chargés de relations publiques) ;
- la capacité à percevoir des processus complexes et à accomplir
des tâches de manipulation délicates (par ex. les médecins).
Comparez ces qualifications avec celles du chauffeur de taxi
ou du routier dont les emplois pourraient bien à terme être
engloutis par les véhicules autonomes. Si des analyses très
diverses ont été publiées pour évaluer les répercussions des
nouvelles technologies sur l’emploi (avec des estimations variant
de moins de 10% à près de 50%), la plupart des études semblent
se rejoindre sur le fait qu’il faut s’attendre à un accroissement
de la demande de main d’oeuvre fortement qualifiée très bien
rémunérée d’une part, et à une chute marquée de l’emploi
routinier peu qualifié, d’autre part.
Cette transformation de la répartition des emplois renforce
le risque d’aggravation des inégalités salariales, une question
fondamentale de notre point de vue.
Depuis les années 1980, et en particulier depuis la fin de la crise
financière mondiale, la hausse des inégalités alimente la montée
en puissance des partis et des leaders populistes en Europe et
aux États-Unis. Nous sommes convaincus que si ces tendances
populistes se muaient en véritables politiques, des effets négatifs
sur l’économie et les marchés de plus en plus sévères pourraient
être observés, comme nous l’avons expliqué en détail dans un
article intitulé « La dimension économique du populisme »
(2017). Cette tendance est problématique dans la mesure où le
nationalisme économique prôné par les populistes nuira à
l’intégration des économies, aux échanges internationaux et
aux déplacements migratoires, ce qui est généralement un frein
à la croissance de la productivité.
Le libre-échange stimule au contraire la productivité, car il
contribue à une meilleure division du travail sur le plan
international en encourageant les transferts de savoir-faire.
3 COMMENT LA PRODUCTIVITÉ INFLUE-T-ELLE SUR LES MARCHÉS ?
Même si les progrès technologiques actuels devaient engendrer
une croissance plus soutenue de la productivité, leurs effets
disrupteurs sur le marché du travail pourraient déclencher une
dynamique politique pour ainsi dire contreproductive.
Toutefois, si les innovations technologiques venaient à rehausser le
niveau de la productivité, la croissance économique remonterait
et l’inflation diminuerait. Dans ce scénario idéal, les actions
devraient en théorie tirer profit des innovations technologiques
à long terme. Pourtant, cette théorie ne se confirme pas dans la
pratique.
Notre analyse, illustrée par le graphique C/, montre que les
périodes de rendements attrayants à long terme sur les marchés
d’actions ont parfois coïncidé, mais pas systématiquement, avec
l’apparition d’innovations technologiques majeures.2 Il apparaît
sur cet exemple qu’à certaines occasions, un investisseur qui serait
entré sur le marché au bon moment aurait bénéficié sur le long
terme de performances attrayantes sur les actions. Par exemple :
dans les années 1950, lorsque les ordinateurs centraux et l’énergie
nucléaire ont fait leur apparition ; au milieu des années 1970, peu
après la mise au point des ordinateurs personnels ; au début des
années 1990, après l’introduction du réseau internet mondial
(« World Wide Web ») et d’une nouvelle génération de téléphones
portables.
Notre étude a révélé a contrario que certaines grandes innovations
technologiques avaient engendré des performances à long terme
inférieures à la moyenne. Par exemple : l’invention du téléphone
(1876) ; le déploiement du réseau électrique dans les villes
occidentales (1882) ; l’invention de l’automobile (1886), de la radio
(1920) et du plastique (début des années 1930). Dans le même
ordre d’idée, l’invention du moteur à vapeur (1781), l’introduction
du chemin de fer (1825) et l’émergence des procédés modernes
de fabrication de l’acier (années 1850) ont offert des fenêtres
d’opportunités étroites aux investisseurs souhaitant profiter des
performances à long terme des marchés d’actions. Ceux qui sont
entrés un peu tardivement sur le marché ont alors dû se contenter
de performances réelles faibles voire négatives, comme les
investisseurs sur le segment des technologies à la fin des années
1990, qui l’ont appris à leurs dépens. En dépit des preuves
accumulées, l’absence de lien systématique entre l’émergence
d’innovations technologiques majeures et les performances à
long terme sur les marchés d’actions peut encore surprendre.
Comment expliquer un tel phénomène ?
En premier lieu, il convient de rappeler que les concepts
d’innovation et de productivité ne sont pas superposables.
Toute grande technologie peut certes engendrer des gains de
productivité, mais un important décalage dans le temps peut
être observé. C’est ce que Robert Solow a constaté lorsqu’il a
prononcé sa célèbre phrase dans les années 1980, juste au
moment où l’usage des ordinateurs personnels commençait
à se répandre.
En premier lieu, il convient de rappeler que les concepts
d’innovation et de productivité ne sont pas superposables.
Toute grande technologie peut certes engendrer des gains de
productivité, mais un important décalage dans le temps peut
être observé. C’est ce que Robert Solow a constaté lorsqu’il a
prononcé sa célèbre phrase dans les années 1980, juste au
moment où l’usage des ordinateurs personnels commençait
à se répandre.
En deuxième lieu, d’autres facteurs négatifs peuvent fortement
contrebalancer les effets positifs des nouvelles technologies sur
la productivité. Par exemple, il a fallu attendre le début du XXe
siècle pour ressentir les effets des grandes innovations de la
deuxième révolution industrielle qui ont marqué la fin du XIXe
siècle, et commencer à observer une hausse sensible de la
productivité de l’économie mondiale. Plusieurs facteurs expliquent
ce décalage, caractéristique de la période souvent baptisée la
« Longue dépression » (1873-1896), marquée par une croissance
économique relativement modeste. Dans les années 1860 et au
début des années 1870, un phénomène de surinvestissement a
freiné la croissance de la productivité et de l’économie. Les dettes
se sont accumulées dans le secteur privé et, en 1873, les États-Unis
ont adopté l’étalon-or, ce qui impliquait de fait un durcissement
des conditions monétaires. Deux événements majeurs, la Première
et la Deuxième Guerre mondiale, dans les années 1910 et 1940
respectivement, ont en outre entravé la croissance de la
productivité.
En troisième lieu, les valorisations sont un facteur qui compte,
du point de vu de l’investissement notamment. Le ratio prix/
bénéfices ajusté des facteurs cycliques (CAPE) de l’indice
S&P 500 a touché des niveaux particulièrement élevés à de
nombreuses reprises au cours des précédentes périodes
d’innovation technique : à l’aube du XXe siècle, après la longue
succession de découvertes technologiques de la fin du XIXe
siècle ; à la fin des Années folles, qui ont vu se succéder un flot
ahurissant d’avancées technologiques (en particulier la radio) ;
pendant les années euphoriques du milieu des années 1960,
particulièrement porteuses pour les valeurs technologiques ; à
la fin des années 1990 et au début des années 2000, époque
marquée par la formation et l’éclatement de la bulle internet et
de la bulle technologique (valeurs des secteurs de la technologie,
des médias et des télécommunications) ; au milieu des années
2000, période qui a culminé avec l’éclatement de la crise
financière mondiale en 2007.
"TOUTE GRANDE TECHNOLOGIE PEUT CERTES ENGENDRER
DES GAINS DE PRODUCTIVITÉ, MAIS UN IMPORTANT DÉCALAGE
DANS LE TEMPS PEUT ÊTRE OBSERVÉ."
LES GRANDES INNOVATIONS N’ONT PAS SYSTÉMATIQUEMENT ENTRAÎNÉ UNE AMÉLIORATION DES PERFORMANCES DES ACTIONS
Source3 : Allianz Global Investors, Bloomberg, Wikipedia, Réserve fédérale de St Louis. Òscar Jordà, Moritz Schularick et Alan M. Taylor (2017). Macrofinancial History and the New Business Cycle
Facts. (Histoire de l’environnement macro-financier et faits relatifs au nouveau cycle économique.) NBER Macroeconomics Annual 2016, volume 31, publié sous la direction de Martin Eichenbaum
et Jonathan A. Parker. Chicago : Presse de l’université de Chicago. Macrohistory Lab, Université de Bonn ; S.Nairn (2002), Engines that Move Markets (Ces moteurs qui entraînent les marchés).
Légende : données à fin d’années, sauf en 2017 (au 21/09/2017). Toutes les autres données sont arrêtées à septembre 2017. Performances mondiales : moyenne des performances générées en
Australie, Belgique, Canada, Suisse, Allemagne, Espagne, Finlande, France, Royaume-Uni, Italie, Japon, Pays-Bas, Portugal, Suède et États-Unis. Principales innovations (année réelle ou estimée
de première exploitation commerciale) : moteur à vapeur (1775), chemin de fer (1812), technologies modernes de fabrication d’acier (1855), téléphonie (1876), éclairage électrique (1879),
automobile (1886), avion (1903), radio (1920), plastique (début des années 1930), ordinateurs centraux (années 1950), énergie nucléaire (1954), ordinateurs portables (1974), téléphone portable
(1991), internet (1991), IA (2010 environ).
Les icônes en forme d’éclair symbolisent une crise financière et autres chocs économiques majeurs : Royaume-Uni, États-Unis 1796/97, États-Unis 1819, Royaume-Uni 1825, États-Unis 1837,
Royaume-Uni 1847, États-Unis 1857, États-Unis 1873 et « Longue dépression » 1873-1896, Paris 1882, Norvège 1899, États-Unis 1901, États-Unis 1907, États-Unis 1929 et « Grande dépression »,
États-Unis 1937/38, Japon 1989, Scandinavie ~ 1990, Asie/ Russie 1997/98, bulle internet mondiale 2000, crise financière mondiale 2007.
Pendant toutes ces périodes, les titres ont donc flirté avec des
niveaux élevés de valorisation simplement parce que les
investisseurs étaient prêts à surpayer l’opportunité de profiter des
perspectives de croissance. Il en a résulté des performances de
marché médiocres, souvent (mais pas systématiquement) encore
détériorées par les chocs de marché ou les crises financières qui
ont éclaté dans la foulée, en 1901, 1929 et 2000 notamment.
Il faut bien noter qu’aujourd’hui, le ratio prix/bénéfices du
S&P 500 évolue à des niveaux record, à presque deux fois sa
moyenne de long terme, renouant avec des valeurs observées en
1929, ce qui indique que les performances globales des actions
américaines devraient se situer en deçà de leur moyenne de long
terme. Le succès des grandes sociétés innovatrices du secteur
technologique, et notamment des FANG (Facebook, Amazon,
Netflix et Google), explique dans une large mesure l’euphorie
récemment observée sur les marchés d’actions. En outre, nos
travaux ont mis en évidence plusieurs périodes, dans les années
1940 et 1980 notamment, qui, bien que n’ayant connu aucune
percée technologique majeure, se sont distinguées par de solides
performances des marchés d’actions, les investisseurs achetant
dans la baisse (les adeptes des stratégies « contrarian ») ayant
alors pu tirer parti de la faiblesse des valorisations.
Si les avancées technologiques ne constituent pas intrinsèquement
une source systématique de performance sur le marché des
actions, les investisseurs peuvent toutefois mettre à profit
l’innovation sur un plan plus global. Nos analyses4 (voir graphique
D/) montrent que les secteurs disruptifs porteurs d’avancées
technologiques tendent à surperformer le reste du marché
pendant les trois, cinq, dix et même vingt années qui suivent
l’émergence de l’innovation. Ces résultats laissent clairement
apparaître l'hétérogénéité des parcours d’un secteur, et même
d’un sous-secteur, à l’autre : notre étude a de fait mis en évidence
une grande diversité de situations. Par exemple : après la
conception du premier ordinateur personnel au milieu des années
1970, les titres des éditeurs de logiciels ont de très loin surpassé le
marché, contrairement aux fabricants de matériel informatique ;
de la même manière, les actions du secteur informatique se
sont bien comportées lorsqu’internet et la téléphonie mobile
sont entrés sur le marché en 1991, tandis que les valeurs des
télécommunications n’ont que très brièvement surperformé,
durant les années de la bulle TMT notamment.
D : PERFORMANCES DES ACTIONS AMÉRICAINES DES SECTEURS DISRUPTIFS DANS LES ANNÉES QUI SUIVENT L’ÉMERGENCE
D’UNE INNOVATION MAJEURE
Source : AllianzGI, Fama, Cowles, Datastream. Données au mois de décembre 2017.
Légende : Le graphique présente la médiane, la moyenne, le montant maximal et minimal des rendements excédentaires nominaux produits par les secteurs porteurs d’innovations technologiques
majeures par rapport au reste du marché américain des actions, un, trois, cinq, dix et vingt ans après l’émergence d’une avancée technologique de grande ampleur. Nous avons au total analysé
13 innovations technologiques apparues depuis la fin du XIXe siècle. Données au mois de décembre 2017.3
En outre, la surperformance que nous avons identifiée au cours
de notre étude ne s’est jamais manifestée de manière linéaire. En
particulier, dans les premières années qui suivaient l’apparition
d'une innovation, les investisseurs ont souvent manifesté des
attentes excessives vis-à-vis de la croissance des bénéfices.
Nous pouvons toutefois estimer, si tant est que le passé soit un bon
indicateur du futur, que les secteurs et les entreprises dont l’activité
est liée à certaines innovations techniques de pointe, dans le
domaine de l’intelligence artificielle notamment, gardent en
moyenne de bonnes perspectives de surperformance, à condition
que les cours restent raisonnables. Nous pensons notamment aux
actions liées aux infrastructures d’IA (univers du big data, internet
des objets et activité de cloud), aux applications d’IA (applications
robotique et de deep learning) ainsi qu’aux entreprises qui
intègrent les technologies d’IA (secteurs de la santé, des transports
et de l’automobile, pour n’en nommer que quelques-uns). Certes,
les valeurs technologiques américaines se négocient actuellement
à un PER moyen de 30 environ et, sur cette base, elles peuvent
déjà ne plus sembler bon marché, mais elles ne sont pas non plus
excessivement onéreuses comparées à la moyenne historique
de leur cours.
Nous voulons également souligner un autre phénomène essentiel
pour les marchés : la vitesse à laquelle les mutations actuelles
prennent forme. Ce facteur est critique pour les investisseurs.
Comme l’indique le graphique E/, le cycle des innovations
raccourcit : alors qu’une centaine d’années ont été nécessaires
pour que le chemin de fer équipe la moitié des pays dans le
monde, il a suffi de dix années pour que le même nombre de
nations adopte internet. Compte tenu de la rapidité de la
propagation de ces mutations, les investisseurs disposent de
moins en moins de temps pour évaluer les répercussions de
ces innovations et pour identifier les secteurs gagnants et les
entreprises particulièrement intéressantes dans ces secteurs.
Les facteurs de disruption, version moderne du concept de
« destruction créatrice » popularisé par Joseph Schumpeter,
semblent de plus en plus puissants. Ces évolutions renforcent
clairement l’argumentaire en faveur de la gestion active.
Seul le temps pourra nous dire si les innovations technologiques
contribueront à accroître structurellement la productivité de
l’économie mondiale. Le progrès représente quoi qu’il en soit un
enjeu essentiel pour les investisseurs à qui nous recommandons
d’identifier de manière active les gagnants de demain, de ne pas
surévaluer le potentiel de croissance des entreprises et, surtout,
de se montrer patients.
E : LES INNOVATIONS TECHNOLOGIQUES DE POINTE SONT ADOPTÉES RAPIDEMENT
Source : D. Comin et B. Hobijn (2010) : An Exploration of Technology Diffusion (Analyse de la diffusion des technologies), 2010.
Légende : L’axe des ordonnées (y) met en évidence le nombre d’années écoulées avant l’adoption de la nouvelle technologie par 50% de l’ensemble des pays.
Innovation et productivité :
Les réponses en un coup d’oeil
Stefan Hofrichter, Responsable de l'analyse économique et stratégique, Allianz Global Investors |
1) Cf. Robert Gordon, Rise and Fall of American Growth: The U.S. Standard of Living since the Civil War. (Ascension et chute de la
croissance américaine : les niveaux de vie depuis la Guerre de Sécession.)
2) Nous avons examiné les performances réelles des actions britanniques depuis la fin du XVIIIe siècle sur une période de 10 années
glissantes, ainsi que la moyenne simple des performances de 15 marchés mondiaux, entre 1870 et 2017, sur la même période glissante. Nous
avons sélectionné le Royaume-Uni car ce pays est resté une superpuissance qui a dominé l’économie jusqu’à la Première Guerre mondiale.
3) La performance passée ne constitue pas un indicateur fiable de la performance future.
4) Nous avons analysé les performances des secteurs américains à l’origine d’innovations technologiques majeures depuis la fin du
XIXe siècle : téléphone, électricité, automobile, chaînes d’assemblage, aviation, radio, plastique, télévision, ordinateurs centraux et personnels,
téléphonie mobile, réseau internet et intelligence artificielle. Un remerciement particulier à ma collègue Katharina Sänger, qui a produit ces
chiffres.
Bibliographie et données utilisées :
Allianz Global Investors (2017) : The Economics of Populism (La dimension économique du populisme)
D. Comin et B. Hobijn (2010) : An Exploration of Technology Diffusion (Analyse de la diffusion des technologies)
The Conference Board (2014) : Prioritizing Productivity (Priorité à la productivité)
The Conference Board (2016) : Navigating the Digital Economy (Naviguer dans les eaux de l’économie numérique)
Robert Gordon (2012) : Is US Economic Growth Over? Faltering Innovation Confronts the Six Headwinds (La croissance américaine est-elle
terminée ? L'innovation déclinante rencontre les six vents contraires)
E. Brynjolfsson, A. McAfee (2016) : The Second Machine Age: Work, Progress, and Prosperity in a Time of Brilliant Technologies (Le deuxième âge
de la machine : travail et prospérité à l’heure de la révolution technologique)
C. B. Frey, T. Berger, C. Chen (2017) : Political Machinery: Automation Anxiety and the 2016 US Presidential Election (Les rouages de la politique :
l’anxiété engendrée par l'automatisation et l’élection présidentielle américaine de 2016)
C. B. Frey, & M. Osborne (2017) : The Future of Employment (L’avenir de l’emploi)
Òscar Jordà, Moritz Schularick, et Alan M. Taylor (2017) : Macrofinancial History and the New Business Cycle Facts (Histoire de l’environnement
macro-financier et faits relatifs au nouveau cycle économique), publié dans NBER Macroeconomics Annual 2016, volume 31, sous la direction de
Martin Eichenbaum et Jonathan A. Parker (Chicago : Presse de l’université de Chicago. Macrohistory Lab, Université de Bonn)
S. Nairn (2002) : Engines that Move Markets (Ces moteurs qui entraînent les marchés)
Base de données sur la productivité de The Conference Board
Données de l’institut Cowles, Yale School of Management : indices des actions ordinaires
Fama/Bibliothèque de données française
Un classement, une notation ou une récompense ne présagent aucunement de la performance future
et peuvent faire l'objet de variations dans le temps. Les déclarations contenues aux présentes sont
susceptibles de comprendre des références à des prévisions futures et autres déclarations prévisionnelles
fondées sur des vues et suppositions actuelles de la direction et présentent des risques connus et inconnus
ainsi que des incertitudes susceptibles de rendre les résultats, les performances ou les événements
effectifs relativement différents de ceux exprimés ou sous-entendus dans ces déclarations. Nous ne
sommes pas tenus d'actualiser toute déclaration prévisionnelle. Tout investissement comporte des
risques. La valeur et le revenu d’un investissement peuvent diminuer aussi bien qu'augmenter et
l’investisseur n’est dès lors pas assuré de récupérer le capital investi. Les résultats de la stratégie ne sont
pas garantis et les pertes demeurent possibles.
La volatilité (fluctuation de la valeur) des parts ou actions de l'OPCVM peut être particulièrement
élevée. Les performances passées ne préjugent pas des performances futures. Si la devise dans
laquelle les performances passées sont présentées n'est pas la devise du pays dans lequel l'investisseur
réside, l'investisseur doit savoir que, du fait des fluctuations de taux de change entre les devises, les
performances présentées peuvent être inférieures ou supérieures une fois converties dans la devise
locale de l’investisseur.
La présente communication est exclusivement réservée à des fins d’information et ne constitue pas une
offre de vente ou de souscription, ni la base d’un contrat ou d’un engagement de quelque nature que
ce soit. Les fonds et les instruments mentionnés ici peuvent ne pas être proposés à la commercialisation
dans toutes les juridictions ou pour certaines catégories d'investisseurs.
Cette communication peut être diffusée dans les limites de la législation applicable et n’est en
particulier pas disponible pour les citoyens et/ou résidents des États-Unis d’Amérique. Les opportunités
d'investissement décrites ne prennent pas en compte les objectifs spécifiques d'investissement,
la situation financière, les connaissances, l'expérience, ni les besoins spécifiques d'une personne
individuelle et ne sont pas garanties. Les avis et opinions exprimés dans la présente communication
reflètent le jugement de la société de gestion à la date de publication et sont susceptibles d’être modifiés
à tout moment et sans préavis. Certaines des données fournies dans le présent document proviennent
de diverses sources et sont réputées correctes et fiables, mais elles n’ont pas été vérifiées de manière
indépendante. L’exactitude ou l’exhaustivité de ces données/informations ne sont pas garanties et toute
responsabilité en cas de perte directe ou indirecte découlant de leur utilisation est déclinée, sauf en cas
de négligence grave ou de faute professionnelle délibérée. Les conditions de toute offre ou contrat sousjacent,
passé, présent ou à venir, sont celles qui prévalent.
Afin d’obtenir une copie gratuite du prospectus, des statuts de la société ou des règlements, de la
valeur liquidative quotidienne des fonds, des derniers rapports annuels et semestriels et du document
d’information clé pour l’investisseur(DICI) en Français, veuillez contacter la société de gestion au pays de
domicile du compartiment ou la société de gestion par voie électronique ou par voie postale à l'adresse
indiquée ci-dessous. Merci de lire attentivement ces documents, les seuls ayant effet à l'égard des tiers,
avant d'investir.
Ceci est une communication publicitaire éditée par Allianz Global Investors GmbH, www.allianzgi.com,
une société à responsabilité limitée enregistrée en Allemagne, dont le siège social se situe Bockenheimer
Landstrasse 42–44, 60323 Francfort/M, enregistrée au tribunal local de Francfort/M sous le numéro
HRB 9340, et agréée par la Bundesanstalt für Finanzdienstleistungsaufsicht (www.bafin.de). La présente
communication ne satisfait pas la totalité des exigences légales visant à garantir l’impartialité des
recommandations d’investissement et des recommandations relatives aux stratégies d’investissement,
et elle n’est soumise à aucune interdiction d’exécuter des transactions avant la publication de telles
recommandations. La reproduction, publication ou transmission du contenu, sous quelque forme que
ce soit, est interdite.
Résumé
Andreas Utermann, CEO et Global CIO, Allianz Global Investors, discute avec Kerstin Keller, Responsable marketing institutionnel et rédacteur en chef d‘Update magazine, Allianz Global Investors